Cérémonie du 11 novembre
La commémoration du 11 novembre de cette année était forcément très particulière – COVID oblige – organisée en présence d’une représentation très restreinte d’élus et d’associations d’anciens combattants, sans public et dans le strict respect des consignes sanitaires. Cette cérémonie a permis de rendre hommage à celles et ceux qui se sont battus pour garantir nos libertés. Voici le discours que Monsieur le Maire tenait à adresser aux Jocondiens :
Discours à l’occasion des cérémonies du 11 novembre commémorant l’Armistice de 1918
Le 11 novembre 1918, à 10h55, un coup de feu retentit, ce n’est pas l’annonce de la fin des combats. Ce sera le coup de feu qui ôtera la vie au dernier soldat français tué de la Première guerre mondiale. Il s’appelait Augustin Trébuchon, il avait 40 ans. Il mourra le 11 novembre 1918, cinq minutes avant le son des clairons et des clochers des villages de France annonçant le cessez-le-feu. Cruel destin que celui de cet homme qui était porteur d’un message pour son capitaine. L’Armée antidatera la mort du dernier poilu au 10 novembre car il était inconcevable qu’un soldat meure le jour de la victoire. Pour autant, il fallait bien un dernier mort au combat. Une dernière vie fauchée par une guerre qui nous parait si lointaine. Une guerre construite sur la revanche, construite sur le terreau des nationalismes et qui durant 4 années fera plus de 18 millions de morts civils ou militaires. Un bilan effroyable qui n’évoque évidemment ni les blessés, les « gueules cassées », ni les traumatisés et pas non plus les orphelins. Un bilan qui fait froid dans le dos. Toutes les familles françaises sont touchées, un père, un frère, un oncle…
L’été 1914, après l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche, allant d’ultimatum en avertissement, le jeu des alliances fait basculer les nations européennes dans le conflit. Vous l’avez appris sur les bancs de l’école, à la mobilisation nos soldats partaient la fleur au fusil. Venant des villes et des campagnes, persuadés de la supériorité de nos forces, nourris du souhait de revanche entretenu depuis plus de 40 ans, les Français partent pour une guerre courte, une formalité, un juste retour des choses qui doit effacer la cruelle défaite de 1870. La France est forte. Sûre d’elle-même, elle a fait le deuil des rois et des empereurs et veut faire vivre la fibre républicaine. Une République qui n’imagine pas qu’elle enverra à la mort Charles Péguy ou Alain-Fournier. Mais une République qui enverra aussi naître de son destin un certain capitaine de Gaulle.
Rapidement les fleurs accrochées aux baïonnettes ont disparu. On passe de l’espoir d’une guerre courte à la réalité d’une guerre de tranchées qui nécessite des uniformes mieux adaptés. Du pantalon rouge garance, on passe à l’uniforme bleu horizon à la toile épaisse.
De cette guerre naîtront des héros. A l’image d’Albert Roche. Âgé de 19 ans à la mobilisation, Albert est jugé trop chétif pour aller se battre. Il refuse, se sauve de la ferme de son père et est finalement incorporé. Mal-noté et rebelle, il s’enfuit. Rattrapé et mis en prison pour désertion il est finalement envoyé au 27ème bataillon de chasseurs alpins. Durant le conflit Albert sera blessé 9 fois. Particulièrement doué pour la reconnaissance, il est un jour fait prisonnier, mais désarme l’officier allemand qui l’interroge. Il revient dans le camp français en ayant fait 42 prisonniers et en ramenant son lieutenant blessé sur son dos. Au total sur les 4 années de guerre, Albert Roche fera à lui tout seul 1 180 prisonniers allemands.
La France célèbre ses héros et passe sous silence ceux qui souffrent. Les lettres des soldats deviennent au fil des mois de moins en moins optimistes et décrivent un quotidien particulièrement difficile. La boue, les rats, les poux, la promiscuité, la fatigue, la peur que l’on essaie de cacher par des rasades de gnôle ou par du mauvais vin… La guerre dans tout ce qu’elle a de terrible et de cru. Le gaz moutarde qui fait cracher ses poumons, le sifflement des balles et la fureur de ceux qui partent à l’assaut inconscients ou fous de rage.
La censure lit et corrige les lettres, elle veille au moral de l’arrière qui lui aussi est prié de tenir quoi qu’il arrive. L’arrière qui tient grâce aux femmes, aux épouses, aux filles. Comment imaginer l’effort de guerre sans ces combattantes qui ne disent pas leurs noms ? Elles sont dans les champs ou dans les usines et participent à ce qui ne se voit pas mais qui est essentiel.
Des enfers de la Marne, de Verdun ou du chemin des dames, certains réapparaîtront. Etouffés par un déluge de fer, de feu et de sang, il y eu quelques miracles sortis des tranchées. Des hommes pour qui l’heure n’était pas venue et qui reviendront pour témoigner. Abîmés, blessés, meurtris dans leurs chairs et dans leurs âmes, ils réapparaitront comme pour signifier le prix de la liberté aux Français qui n’ont pas combattu. Ces anciens soldats tenteront de reprendre pieds. Oublier, ils ne pourront pas. Il y aura encore bien des cauchemars et des douleurs, il y aura aussi bien des silences.
Et comme si tout cela n’était pas suffisant, la fin de la Première guerre mondiale sera marquée par la pandémie de grippe espagnole. Le virus qui porte d’ailleurs très mal son nom puisqu’il est identifié en réalité aux Etats-Unis, fera environ 100 millions de morts sur la planète. Le sort s’acharne décidément sur le monde. La guerre, la maladie… comment imaginer un avenir meilleur ?
Et pourtant ces hommes et ces femmes du début du XXème siècle ont tenu bon, ils ont fait face aux vents. La guerre a pris fin et la maladie a fini par disparaître.
Notre guerre à nous n’est pas terminée. Le terrorisme reste plus que jamais un ennemi redoutable et la maladie est encore présente. Pour autant, en ce 11 novembre, j’ai la conviction que rien n’est inéluctable. La nature humaine a la capacité de résister, d’affronter les épreuves et de se relever plus forte. Les Français de 2020 ne sont ni meilleurs ni moins bons que ceux de 1918. Il nous faudra encore nous battre sans relâche et sans jamais laisser de terrain ni au terrorisme ni à la maladie. C’est à ce prix que nous serons vainqueurs.
Alors faisons face aux vents !
Frédéric Augis
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